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Les vestiges de l'antique Neapolis
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Le nom actuel de la ville, Nèbil, meilleur que Nabeul, n'est
que la prononciation et la translittération arabe d'un vieux toponyme
grec, Neapolis, qui signifie ville-neuve. L'administration romaine,
au lieu de le traduire comme elle l'a fait tout à proximité pour Kélibia
[Aspis, Clipea], pour Ras Addar [Hermaea Akra, Promunturium
Mercurii] et probablement pour el-Haouaria..., a conservé ce nom,
sans doute pour respecter une leçon locale déjà ancienne et fortement
enracinée. Il est donc très probable que Neapolis fut à l'origine
un comptoir fondé par des commerçants grecs qui tomba très rapidement
sous la domination carthaginoise.
En effet, L'historien de la Guerre du Péloponnèse,
Thucydide, racontant des évènements qui se déroulèrent en 413 av. J.C., rapporte que Neapolis était un
comptoir carthaginois, qu'elle était la ville d'Afrique la plus proche de la Sicile dont elle n'est séparée
que de deux jours et une nuit de navigation. Vers 310 av. J.C., la ville fut prise par Agathocle, tyran de
Syracuse, qui traita ses habitants avec humanité. |
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| Lors de la troisième guerre punique, Neapolis prit le parti de Carthage contre Rome ; elle fut
attaquée et châtiée en 148 par le chef de l'armée romaine Calpurnius Piso. Pendant tout un siècle, jusqu'à
la guerre civile, on n'entendit plus parler d'elle. À l'occasion de cette guerre, elle se rallia à la cause
de César (contre Pompée) qui lui accorda en retour la liberté. Quelques années après, Neapolis devint, grâce
à César ou à Octave, colonie julienne (Colonia Julia) et, pour la repeupler, la ville reçut un lot de colons,
citoyens romains, ce qui a très vite favorisé son développement urbain. |
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La conquête de la presqu'île par les musulmans ruina la vieille ville pour toujours et elle se transforma
plus tard en véritable carrière pour la construction des monuments de sa nouvelle héritière, notre Nabeul.
Par la suite l'extension de l'habitat moderne autour du site antique et le développement anarchique de la
construction hôtelière contribua aussi à la disparition de la majeure partie des vestiges de Neapolis ;
ce qui a conduit les autorités de tutelle à engager des fouilles urgentes et à protéger une partie du site.
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Ces fouilles permirent le dégagement de deux principaux monuments : |
La maison des Nymphes
Nympharum domus
(IVe s. ap. J.C.) |
Cette maison privée, qui pourrait être en réalité une schola à usage
philosophique, occupe la largeur d'une insula. C'est une grande et
somptueuse demeure à péristyle et viridarium d'une superficie de 1500
m2 renfermant une vingtaine de pièces ; certaines ouvraient sur la
rue dallée et servaient probablement de boutiques. La plupart de ces
pièces, une quinzaine, étaient pavées de mosaïques polychromes ; elles
s'ordonnaient autour d'un vaste jardin au milieu duquel se trouve
un bassin en abside intérieurement décorée d'une mosaïque représentant
des motifs figurés : une belle tête du dieu Océan bordée à droite
et à gauche de différentes espèces de poissons et autres animaux marins,
notamment des petits dauphins, une langouste... ; au-dessous de ces
représentations, une inscription latine, ressortant en cubes jaunes
sur le fond sombre donne, à la manière d'une plaque, le nom de la
maison : Nympharum domus, la Maison des Nymphes. |
On peut apprécier ces belles mosaïques dans le petit musée de Nabeul
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L'usine de traitement de poissons |
| Plus loin, au bord de la plage, on visitera un ensemble industriel, d'époque romaine, destiné à la
fabrication de salaisons et de garum qui s'était installé sur une construction d'époque punique datant
des 3e-2e. s. av. J.C. Neapolis n'a pas l'exclusivité de cette activité ; on en trouve un peu partout
sur les côtes du Cap Bon qui constituent un milieu favorable à cette industrie grâce à l'abondance du
poisson bleu (sardines, maquereau, thon...). Mais l'usine de Neapolis frappe par ses dimensions
importantes : une batterie de six bassins accolés, plus deux autres d'une profondeur de 2 mètres environ ;
certains bassins, au moment de leur dégagement, contenaient encore des amphores pleines de restes
pulvérulents avec des arêtes, des fragments de vertèbres, de minuscules têtes de menu fretin. |
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Cette fameuse sauce dite garum était un condiment fort relevé et très apprécié des Romains, sans doute
pour ses vertus aphrodisiaques, et servait à assaisonner les viandes, les légumes et même les fruits ! On
le fabriquait à partir des intestins de poissons et d'autres restes que l'on faisait macérer dans du sel
et que l'on faisait sécher au soleil pendant plusieurs semaines. |
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| Texte : Samir AOUNALLAH Photos : Abderrazak KHECHINE et Mohamed AYEB
Textes et photographies sont extraites d'un dépliant diffusé par l'Agence pour la mise en valeur du patrimoine et pour
la promotion culturelle (Ministère de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine). |
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